Le seigneur de la pénombre

http://editions-illador.com/_livres/le_seigneur_de_la_penombre.html

Le Seigneur de la pénombre, éditions Illador,

Format : 190 x 150
64 pages • 20 euros

Frais de port :
1 euros
(France et Union Européenne)

Claire Garnier / Directrice

14, rue des Saints-Pères
75007 Paris
Téléphone : 06 82 36 83 49

contact@editions-illador.com




Le seigneur de la pénombre, éditions Illador- présentation

Pendant la fin d’un hiver et le début d’un printemps, tous les jours ou plutôt toutes les nuits, entre quatre et cinq heures du matin, j’ai écouté le chant du merle et essayé d’entendre ce qu’il cherchait à me dire, du moins ce que j’imaginais qu’il cherchait à me dire.

Le chant du merle creuse en nous un vide, une sorte de puits par où il nous rend sensible ce à quoi nous aspirons, ce qu’en secret nous attendons sans savoir qu’il nous manque : un monde, une plénitude, une façon d’être heureux, et libre, pleinement soi et attentif au milieu des autres. Par son chant, non seulement il prépare mais déjà il installe ce monde au milieu de nous, il le fait exister, il nous y appelle et nous y fait vivre.

C’est à cette même extraction d’un monde plus vaste, plus profond et plus harmonieux que le nôtre mais déjà présent en lui, que travaille la peintre dans ses encres et ses aquarelles. Elle crée un espace autour du chant du merle avec ses encres. Elle rend visible l’espace d’une écoute qui est aussi celui d’une possible révélation. Et c’est de la convergence non cherchée de ces deux mouvements de la peintre et de l’écrivain qu’est né ce livre. Comme le dit Dostoïevski : tout n’existe sur cette terre que par l’attouchement mystérieux de mondes différents.

Jean Marc et Catherine Sourdillon



Jean-Michel Maulpoix

Il y a mille façons d’entrer dans ce livre à quatre mains admirable de tact, de simplicité et d’évidence : en mangeant des cerises, en écoutant chanter le merle, en lisant les poèmes de Jean Marc Sourdillon ou en regardant les aquarelles de Catherine … Ce petit livre pourrait aussi bien s’appeler « le merle et les cerises » ou « le rouge et le noir » : ce ne serait pas un roman mais une sorte de conte-poème pensif sur l’ombre et la lumière, le vivre et le mourir, « l’évidence d’être là ».

Vêtu de noir, ce « seigneur de la pénombre » qu’est le merle ne se contente pas de voler des cerises ; il en fait rouler dans sa gorge les petits grelots rouges. C’est, au crépuscule du matin ou du soir, de la nuit qui chante ! A écouter, à regarder, à lire absolument !



Judith Chavanne

Un magnifique livre en effet, comme le signalait Jean-Michel Maulpoix il y a peu, une « méditation peinte » à lire et relire, à picorer – pages de proses, poèmes ou aquarelles – mais à savourer aussi dans sa continuité. Se dessine ici un paysage avec figures, qui peu à peu se révèlent et s’adjoignent à celle du merle. Ses voisins humains prennent forme et existence progressivement. À qui l’initiative, à qui le rôle de parachever de l’autre l’avènement? Peintre, poète et merle ont ensemble écrit un dit de reconnaissance mutuelle, en somme un dit d’amour.



Jean-Michel Maulpoix

J’ai beaucoup aimé cette manière de suivre le fil de l’oiseau parmi les mouvements d’ombre du jour qui se lève ou se couche : le livre à quatre mains est parfait, d’un toucher de langue et de lumière toujours exact, toujours suggestif, toujours délicat, ébouriffé parfois juste comme il faut ! Oui le monde appartient aux oiseaux : ils en sont (avec les fleurs) les discrets propriétaires, tandis que nous sommes des locataires bruyants et mal élevés, hébétés, hagards ! Oui, le merle dit oui. Oui, le chant du merle est plein de cerises, ces petits grelots rouges qui roulent dans sa voix !

Bravo pour ce livre précieux ! Je vais le garder près de moi et l’entrouvrir de temps en temps comme une boîte à musique.





Dominique Zinenberg, dans Francopolis 174, noc-déc 2022

  Il règne ici, avec ce Seigneur de la pénombre, un état de grâce qui concerne les mots et les dessins à l’encre de Chine. Mieux vaudrait dire qu’il s’agit en fait d’un état de tendresse qui se dégage de toutes les pages du recueil et d’emblée, d’ailleurs, de la première de couverture qui présente une nature morte aux cerises invitant à ouvrir et à déguster chaque mot, chaque trait et c’est aussi comme un attribut du « seigneur » qui depuis sa pénombre dit quelque chose du jour qui approche, un attribut auquel on l’associe volontiers car il s’en empare et les mange sans vergogne, le merle moqueur !

  La tendresse, dans ce recueil raffiné, est première. Elle a permis, à n’en pas douter, de mener à bien ce projet miraculeux qui a consisté à faire des variations sur la présence-absence du merle quand le couple endormi est réveillé par le chant de l’oiseau : « Chaque matin, ensemble, dans un grand lit en bois, il les voit, ils s’asseyent l’un et l’autre sur le bord d’un même rêve, tous les deux, vivant et se tenant par la main au sein du grand sommeil immobile. Ils regardent fixement par la fenêtre cet œil là-bas, qui s’ouvre – sa lumière sur le dôme. » (p.56)

  Comment s’y prendre pour discourir sur un merle durant tout un recueil ? Comment justifier d’un projet apparemment si dérisoire et si mince ?  C’est une gageure, une sorte de tour de force et pourtant le charme opère dès la première page et à la fin, après le texte, après l’oiseau dessiné avec son œil et son bec rouges, après la dernière nature morte représentant un plat blanc contenant des cerises rouges et appétissantes, on est triste de refermer ce livre qui chante les modestes exploits du « Seigneur de la pénombre ».

  Mais est-ce anodin et dérisoire de tenter de pénétrer le mystère d’un chant qui semble faire éclore le jour ?  Est-ce dérisoire de rechercher la quintessence de ce chant et d’en percer l’énigme ? Pour le poète et la peintre, le merle est un professeur avisé qui jamais ne se lasse de faire son cours, de dire et redire l’essentiel inatteignable :

  « On peut s’étonner devant pareille insistance – insistance pleine de tact parce que jamais il ne s’impose, jamais non plus il ne s’énerve devant notre maladresse, notre inattention, cette mauvaise volonté, cette obstination même que nous mettons à ne pas l’écouter, à ne pas faire attention à lui, à ne pas vouloir comprendre, à faire comme s’il n’existait pas… » (p30)

  Jean Marc Sourdillon perçoit les nuances du chant de l’oiseau : il passe en revue toute la palette des sons qui surgissent de lui, mais la musique qu’il compose devient parole et bâtiment protecteur et rond ou rond parce que protecteur. Ainsi, au fil de la plume, le poète définit le chant du merle comme « une cerise pour l’ouïe » parce que ce que l’on entend c’est de la rondeur, une membrane qui abrite, protège, rassure, apaise et prépare à la vie du matin, à l’entrée dans le matin.

                        Il y a quelque chose de rond

                        et d’arrêté

                        dans le chant du merle :

                        une bulle, une lune, un monde,

                         ou, pareille à son œil,

                         une goutte d’aurore

                         en suspension dans le soir. (…) (p.11)

  On peut remarquer deux choses au moins en analysant ces quelques vers : la plupart des mots choisis ont soit la voyelle « o » qui montre la rondeur par sa forme à la manière d’un pictogramme ; soit des noms qui font surgir l’idée de rondeur : bulle, lune, monde, goutte, œil. Plus loin ou dans d’autres textes, cette même rondeur sera suggérée par d’autres mots représentant des volumes aux formes arrondies : cerise, genou, dôme, cloche, bille …

  Outre cette douceur ronde qui ricoche dans les poèmes en prose comme en vers et qui en soi est leçon de vie pour le couple émerveillé, ce qui travaille et creuse à l’écoute du trille du merle, c’est l’idée de paix qu’il transmet à qui veut la saisir et l’intérioriser :

       Que dit le merle ? Comme le tresseur d’osier, il fait des nœuds avec les mots qu’on a oubliés : « calme », « serein », « tranquille » pour en faire une chaise, un panier, où l’on puisse loger bien à l’abri au milieu de la ville. (p.36)

  L’oiseau transmettrait-il un art de vivre oublié ? En tout cas la nature de son chant semble ouvrir à une interrogation, voire à une méditation. Et l’art du poète et de la peintre traversent la pénombre du questionnement pour accéder à quelque lueur tirant sur le bleu qui ne prétend pas dissiper les doutes, mais seulement reconnaître un monde entre parenthèses, à la fois rouge, noir et doré, où l’on ne cesse de s’interroger, comme devant une situation qui nous surprendrait et où tout se passerait plus lentement qu’à l’accoutumé, selon le rythme d’une respiration calme et prolongée. » (p.37)

  Comme nous sommes proches du regard poétique d’un Christian Bobin face au mystère et à la beauté simple des êtres vivants comme lorsqu’il écrit dans La Nuit du cœur par exemple comme en écho aux phrases de Jean Marc Sourdillon : Un oiseau réfléchit à voix haute dans la forêt. » (p.70, Folio) Ce même désir d’humilité face à une fleur, face à un merle car lui sait et nous pas. Et c’est ce qu’il est venu nous dire : oui, quelqu’un, quelque part, sait et ne se décourage pas. Chaque matin il revient, essaye imperturbablement de nous délivrer le message, il s’absente parfois pour de longs mois, ou s’éloigne, mais toujours il revient, inlassablement, avec le matin, il sera toujours là, jusqu’à la fin avec sa réponse en forme de question, son fin grelot, jusqu’à ce que nous comprenions ou que le dernier jour se lève. (p.29)

  Comme nous sommes proches aussi de Jules Supervielle parfois dans l’idée qu’il y a une autre vie possible, à côté de la nôtre, en parallèle, beaucoup plus discrète, en demi-teinte, dans la pénombre, ou mordorée, où l’on pourrait vivre tout aussi bien si on voulait, pour peu que s’ouvre pour nous un sas, là, à côté du sommeil, mais pas dans la veille, et qu’il y ait un merle, quelque part, pour nous le signaler. (p.43) Rappelons-nous ce court poème de Jules Supervielle « La mer secrète » dans La Fable du monde :

                                              Quand nul ne la regarde,

                                              La mer n’est plus la mer,

                                              Elle est ce que nous sommes

                                              Lorsque nul ne nous voit.

                                               Elle a d’autres poissons,

                                               D’autres vagues aussi.

                                               C’est la mer pour la mer

                                               Et pour ceux qui en rêvent

                                               Comme je fais ici.

  Alors en définitive, est-il vain et dérisoire de faire le portrait minutieux, nuancé, élogieux et divers du « Seigneur de la pénombre » ? Est-il vain de rechercher les encres noires, les lueurs blanches ou dorées, le détail rouge, la dilution bleue du ciel que la peintre saisit à l’instant fulgurant du trille du merle ? Ne serions-nous pas plutôt dans ce recueil dans la recherche esthétique et éthique (l’un n’allant pas sans l’autre, en vérité) du Je ne sais quoi et du presque rien qui traverse la philosophie de Vladimir Jankélévitch ? Cette recherche de l’humble qui ouvre à la découverte d’un soi qui joue juste, qui vit et vibre juste, cette ténuité si rare à découvrir, à sertir, à sublimer et que cette œuvre, dans sa modestie même atteint comme par miracle grâce à la justesse du chant et du trait qui percent les ténèbres et nous aident à respirer mieux, à mieux rêver et penser.

                                             Chacun devrait pouvoir avoir

                                             Le chant d’un merle au fond de sa nuit. (p.39)

Francopolis 174, noc-déc 2022.  http://www.francopolis.net/revues/D.Zinenberg-Sourdillon-NovDec2022.html?fbclid=IwAR0jeb-rYlR9noOa9ja2d0QtqM7NKd-A8_6nI1uU1-MQROqF8Y9_nHzHy6k

Une image contenant texte, alimentation, plat

Description générée automatiquement


Dominique Zinenberg, dans la revue Poésie première




Thierry-Pierre Clément dans la revue Arpa n°137-138

Lettre à Jean Marc et Catherine Sourdillon à propos du Seigneur de la pénombre[1]

Le 9 juillet 2022

Chers Jean Marc et Catherine,

Quel merveilleux petit livre, celui que vous venez de consacrer à notre ami le merle ! Encres et poèmes s’y accordent avec justesse, allégresse, fluidité. Ils ont entre eux une amitié semblable à celle d’une conversation de deux merles, ce chant un peu liturgique fait de répons alternés d’un arbre à l’autre dans le bonheur du crépuscule (choisissez s’il s’agit de la pénombre du matin ou du soir).

Moi qui suis en profonde amitié avec le merle depuis mon enfance (il y avait un grand cerisier dans le jardin de mes parents et le merle s’y perchait tous les jours, son chant depuis le creux de ce voilier vert, blanc, rouge m’emmenait de l’autre côté du monde), et qui comme lui affectionne les cerises (ça tombe bien, nous sommes en juillet !), je ne pouvais que goûter à pleine gourmandise votre hommage commun au Seigneur de la pénombre.

Gourmandise aussi bien, celle de l’attente (« nous lui devons d’aimer notre attente », p.12), jubilation de ce désir enfoui au cœur de soi, de cette tension vers « l’espace où naître » que tu décris si bien, cher Jean Marc, à la fois si délicatement et si précisément. Ton texte ne nous parle que de spiritualité, il ne vise que l’Esprit en nous qui attend qu’on l’écoute, que l’on daigne lui accorder notre attention. Tu saisis les bribes du chant du merle pour mener le lecteur sur le chemin, « tout éclairé par le dedans », d’une partition « par quoi nous nous sentons appartenir à une immense intériorité » (p.9), une partition qui dépasse son propre chant – en ce sens, l’épigraphe de Philipe Jaccottet trouve en tête de votre livre sa juste place.

Quel travail d’orfèvre, celui de sculpter par les mots la sensation intérieure de ce qui nous fonde, vers quoi l’on tend sans cesse et qui toujours nous échappe ! Appuyé sur le seul chant du merle, voici que tu réalises un tel chef d’œuvre : « ce qui était impossible hier / ne l’est plus tout à fait » (p.20). Comment ne pas penser au divin en nous, lorsque nous lisons ces mots : « oui, quelqu’un, quelque part, sait et ne se décourage pas » (p.29), ou encore : « peut-être sait-il que c’est précisément quand il se tait qu’il nous atteint » (p.46) ? L’oiseau noir au bec d’or nous dit qu’existe « la possibilité de se réveiller ailleurs, […] quelque part qui est le plus près … Plus près de quoi ? c’est le mystère » (p.37). Et tout de suite, page suivante, une possible réponse : « Peut-être plus près de soi. »

Oui, « il y a une autre vie possible, à côté de la nôtre, […] en demi-teinte, dans la pénombre » (p.43) et « c’est parce qu’on entend une voix qui nous appelle qu’on se met un jour soi-même à chanter » (p.54). Loin de la sécheresse de quelque traité théologique, par la grâce de l’oiseau tu laisses le chant poétique donner à pressentir, avec la plus profonde justesse, ce qu’est un chemin spirituel – à travers quoi prend sens toute destinée humaine. Et, en ton dernier poème, tu évoques sans la nommer la finalité de celle-ci (qui en est aussi la source) : « par la fenêtre cet œil là-bas, qui s’ouvre » (p.56), n’est-il pas celui de l’amour, « la joie du couple qui s’éveille », la « lumière sur le dôme », « une coupe, une paume, un monde » ? « L’amour, qui meut le soleil et les autres étoiles », écrivait Dante…

Juste te confier encore, cher Jean Marc, que celui parmi les poèmes de ce livre qui m’a le plus ému est sans doute celui de la page 39 : il résume tout – oui, « chacun devrait pouvoir avoir / le chant d’un merle au fond de sa nuit ».

Tes encres, chère Catherine, je l’écrivais au début de cette missive, s’accordent à merveille avec les poèmes. Ciels noirs parcourus de frissons blancs, horizons frémissants ponctués parfois d’un arbre solitaire (et rouge, soudain, p.23, en écho à la « cerise dans mon jardin »), oui, nous sommes noyés de pénombre et de nuit, mais la nuit porte en elle la promesse du lever du jour… Puis, page 57, pour accompagner le dernier poème (le poème de l’amour que je viens d’évoquer), ce très beau et apaisant paysage coloré, en des tons très doux, et qui me fait penser à une peinture chinoise dans laquelle s’étagent des montagnes parmi les nuages et les vols d’oiseaux – la fenêtre s’est ouverte et recueille la « lumière sur le dôme ».

Enfin – et parce que l’humour n’est pas absent de ce livre – le merle de la dernière page, qui attend, prêt à bondir sur le panier de cerises ! Je vais faire comme lui, d’ailleurs …

Chers amis, je suis absolument heureux de votre livre, auquel je reviendrai souvent pour en grapiller les fruits spirituels, avec délectation, gourmandise – et pourquoi pas une glace au café avec une très petite cuillère !


[1] Jean Marc et Catherine Sourdillon, Le Seigneur de la pénombre, éd. Illador, Paris, 2022.