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Mon travail commence toujours par l’aquarelle, parce que le geste y est libre, et que la peinture, en quelque sorte, se donne. Il n’y a qu’à la contenir sur la toile, en créant des barrages avec le pinceau, ou des rivières de contournement. C’est un processus d’accompagnement, tout en douceur ; le prolongement d’un écoulement.

Après ce premier moment – après ce premier mouvement –, d’autres adjuvants peuvent entrer en jeu (poudre de marbre, acryliques, ou encore pastel…) afin de travailler ce premier jet en lui ajoutant matière, consistance et intensité.

J’aime particulièrement recourir au gesso pour sa blancheur lumineuse et parce qu’il sert de « révélateur » de la couleur tout en l’effaçant. C’est ce que j’aime en peinture : voir une couleur éclatante « contenue » sous une autre (le plus souvent du blanc) de sorte qu’elle réserve ainsi sa puissance et qu’il revient au spectateur d’en libérer toute la charge comme s’il accomplissait le geste du peintre par son regard. C’est ainsi que peut véritablement se réaliser l’éclatement de la couleur, après son activation imaginaire par le regardeur.

La dimension ornementale et décorative est fondamentale. Je cherche toujours ce point d’harmonie à partir duquel les couleurs et les formes s’activent de concert. Juste un équilibre, un horizon balancé d’où jaillissent, au fil de l’eau, visages, bouquets de fleurs et paysages…



Vivre à l’aquarelle

Notre maison est dans un petit jardin, sur les hauteurs de la ville à deux pas de la forêt. J’ai installé mon atelier dans la cuisine, sur la table en bois de la cuisine face à la grande fenêtre et à la porte donnant sur le jardin. La lumière entre par là et les habitants de la maison, qui vont et qui viennent : les enfants qui vont à l’école ou, selon l’heure, en reviennent, les chats silencieux et parfois un bourdon, un peu de pluie, une abeille. J’ai voulu m’installer pour peindre au beau milieu du courant de la vie, que le geste de peindre n’en soit pas détaché, qu’il le prolonge ou le précède, qu’il se confonde avec lui.

Quand je peins à l’aquarelle, je peins avec l’eau de la rivière, je ne fais que lui ajouter des couleurs vives, des formes évasives et mes rêves, surtout mes rêves. C’est ainsi que je participe  au mouvement de la vie qui m’entoure, qui parfois m’éblouit et parfois me rend triste. Je peux m’interrompre à tout moment pour vaquer à mes occupations, aller chercher tel ou tel à la gare, préparer le repas, discuter avec la voisine, nettoyer la litière des chats, répondre au téléphone. Ensuite je reprends le travail comme si de rien n’était. Je peins, je vais dans le jardin, c’est tout comme. Je fixe des moments. Je hante des lisières entre réalité et lumière, rêves et éveils, pleins d’éblouissements et de lucidité. Je fais de ma vie une bulle irisée, qui n’exclut pas la douleur, mais qui répare, qui apaise, qui glisse dessus, qui continue l’élan. Peindre est un élan réparateur. Et pour un peu s’effacerait l’ancienne douleur.

Le soir quand j’ai terminé mon travail, je l’applique avec des aimants sur la porte du réfrigérateur. C’est ma galerie d’exposition. Ainsi chacun, s’il en a envie, peut voir ce que j’ai fait dans la journée et donner son avis. C’est ainsi que je vis, que je progresse dans ma vie ; en peignant, en écoutant ce qu’on me dit, en parlant avec elle, ma mère, ma petite maman qui n’est plus tout à fait là. Peindre est une allusion au réel, juste une allusion, mais qui le met en mouvement, qui l’emporte plus loin, qui ouvre des horizons pleins de gaieté et de lumière. Et jamais je ne m’arrête, je suis toujours en mouvement, je peins mes paysages comme des émotions, mes bouquets comme des explosions et si j’aime par-dessus tout peindre des portraits, c’est pour mieux les traverser.



Elle peint comme on efface un voile de buée sur une fenêtre et c’est le matin.



Je peins dans ma cuisine, enveloppée par les voix de la radio.

Mon geste vient d’avant moi. Je jette mes couleurs. Je me laisse porter par leur diffusion dans l’eau.

Je peins des bouquets, des lieux, des visages pour voir à travers eux ce qui vient, la vague sous la vague qui me précède et parfois me submerge.




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